Québec 1608-2008 : un 400e anniversaire qui relie la France et l’Amérique

France et Amérique: la Nouvelle-France, plus de 4 siècles

L’année 2008 marque une date importante dans les liens entre la France et l’Amérique: le 400e anniversaire soit la fondation de Québec en 1608, qui s’est avéré le premier établissement permanent de la Nouvelle-France. Cet anniversaire sera célébré des deux côtés de l’Atlantique.

Il est vrai qu’avant cette fondation de Québec, sous l’impulsion de ce roi bâtisseur qu’a été François 1er, la France avait fait sa place en Amérique. Dès 1520 il avait entrepris de contester le partage du monde décrété par le Pape Alexandre VI, traité de Torsedillas, et décidé de faire une place à la France en Amérique. Il avait envoyé Verrazzano explorer la côte est américaine en 1524 et dès 1525, une Nova Gallia (Nouvelle Gaule, ou Nouvelle France) apparaît sur les cartes. Puis suite aux voyages d’exploration-découverte de Jacques Cartier (1534 et 1535-36), elle est renommée Nova Francia puis Nouvelle-France sur les cartes.

La grande majorité de la population du Québec d’aujourd’hui, soit 80 % des 8,0 millions de Québécois, est d’ascendance française. Leurs ancêtres proviennent de toutes les régions de France. Toutefois, quelques régions comptent pour une bonne moitié de cette descendance en terre d’Amérique. Ce sont les régions du Poitou et de la Charente, de l’Île-de-France, de la Normandie et de la Bretagne. Mais les ancêtres des Québécois provenaient aussi de l’Anjou, de la Touraine, de l’Orléanais, de la Guyenne, de la Picardie, du Maine, etc.

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– De 1525 à 1608:

la Nouvelle-France

Cela fait 400 ans que la ville de Québec a été fondée, mais les pêcheurs et navigateurs de France fréquentaient les peuples amérindiens depuis plus longtemps encore.

Nous connaissons tous cette histoire classique où il est écrit que le Malouin Jacques Cartier a exploré le golfe et le fleuve Saint-Laurent dès 1534 et par conséquent a « découvert » le Canada. Toutefois, cette découverte est moins soudaine qu’il n’y paraît.

Il est intéressant de constater que les instructions royales de François Ier à Jacques Cartier, pour ce premier voyage d’exploration de 1534, le conviait à se rendre au-delà de la « Baye des Chasteaulx » (soit le détroit de Belle Isle actuel, situé entre Terre Neuve et le Québec). De plus, le 5 août 1534, alors qu’il est sur le chemin du retour, Cartier jette l’ancre à Natashquan (Basse-Côte Nord, Québec). Dans son journal, Cartier n’emploie plus le mot « sauvage » pour désigner les Montagnais-Innus qui viennent à sa rencontre. Surpris par leur grande familiarité, Cartier parle des « gens de ladite terre », ou de ces « douze hommes » qui « vinrent aussi franchement à bord de nos navires que s’ils eussent été Français. » Cartier note aussi que ces Montagnais-Innus étaient en contact avec des marins français dont les navires étaient ancrés à proximité. Ils s’apprêtaient à retourner en France, chargés de poissons.

Cartier explore et séjourne de nouveau sur les rives du fleuve St-Laurent en 1535, où il hiverne pour ne repartir qu’en 1536. Puis le Roi François 1er a autorisé l’implantation d’une première colonie française permanente en amont de Québec. Les devis pour une colonie de 300 personnes sont préparés en 1539 et l’autorisation d’implantation accordée en 1540. Le site de cette première tentative de colonisation française a été découvert à Cap-Rouge en 2005. Des fouilles archéologiques importantes ont été menées ( http://www.cartier-roberval.gouv.qc.ca ) et des recherches historiques menées. Placée sous la gouverne du Sieur de Roberval, éminent militaire et ingénieur des fortifications et des mines la colonie vivra deux ans. En 1543, le roi lui ordonne de rentrer en France avec tous ses soldats car la France est en guerre contre une nouvelle alliance Espagne-Angleterre.

Mais que s’est-il passé entre cette colonisation de 1541-43 et la fondation de Québec en 1608? Les recherches archéologiques et historiques récentes ont montré qu’au cours de cette période plusieurs dizaines de milliers de Français ont séjourné dans le vaste golfe du Saint-Laurent.

De Dieppe à Saint-Jean-de-Luz plus d’une quarantaine de ports français, dont La Rochelle, Saint-Malo, Rouen, Honfleur, Bordeaux, etc., ont préparé des centaines de navires pour des séjours en direction de ce vaste golfe, de la côte atlantique jusqu’au Cape Cod et même au-delà. Lors de ces séjours saisonniers de pêche à la morue ou de chasse à la baleine, un bon nombre d’équipages ont aussi pratiqué le troc avec les Amérindiens. Ils échangeaient couteaux, chaudrons et autres objets de fer contre des peaux et fourrures d’animaux.

Dans le golfe du Saint-Laurent, les pêcheurs s’installaient sur les grèves durant l’été afin de saler et sécher la morue. Les chasseurs de baleine installaient des fours rudimentaires sur les rives afin de faire fondre les graisses. Ils en récoltaient une huile destinée à l’éclairage urbain et domestique des villes d’Europe. Même si des milliers de Français séjournèrent dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent, la nature saisonnière des activités commerciales (pêches, huiles animales et fourrures) ne nécessitait pas d’établissement colonial permanent.

Tout cela va changer après la « tabagie » de Tadoussac. En 1603, en mai et juin, des représentants du Roi de France, François Gravé du Pont en tête, accompagné entre autres de Samuel Champlain, ont participé à des rencontres diplomatiques. Respectant les coutumes amérindiennes, ils ont fumé le calumet et scellé les premières alliances franco-amérindiennes. Montagnais-Innus, Algonquins et Malécites-Etchemins ont lors de ces rencontres diplomatiques exprimé l’acceptation que les Français « peuplât leur terre ». Ces peuples amérindiens leur ont aussi demandé leur appui dans leurs guerres contre leurs ennemis Iroquois. Quelques années plus tard, après avoir tenté de s’établir en Acadie, et sur les côtes du littoral atlantique, les Français avec Samuel Champlain à leur tête sont venus s’installer à Québec en 1608, près de leurs alliés amérindiens.

Pierre Dugua de Mons, Lieutenant Général de la Nouvelle-France (1603-1612) a été le maître d’œuvre du projet de fondation de Québec, mais il n’est jamais venu à Québec.
 Toutefois, Samuel Champlain, un Charentais-Maritime (Brouage) est considéré comme le fondateur de Québec, (Brouage). Entre 1608 et son décès à Québec le 25 décembre 1635, Champlain a traversé l’Atlantique à vingt-trois reprises afin de parvenir à implanter en terre d’Amérique cette colonie française. Ces vingt-trois traversées représentent plus de quatre années complètes passées en pleine mer afin de soutenir auprès des autorités françaises ce projet de Nouvelle-France et de le réaliser contre vents et marées.

Sous Champlain et au cours des décennies suivant sa mort, la Nouvelle-France administrative a pris forme. Les gouvernements de Québec, des Trois-Rivières et de Montréal ont constitué le Canada du XVIIe siècle. Un Canada que les coureurs des bois et explorateurs étendaient de plus en plus vers l’Ouest, vers les « Pays d’en Haut », mais aussi vers le Sud louisianais. Si l’on y ajoute la maritime Acadie et la très continentale Louisiane, le tableau est complet ou presque. Cette Amérique française était dans les faits une Amérique franco-amérindienne. Depuis la tabagie de Tadoussac en 1603, les Français ont continuellement cherché à négocier des alliances avec des dizaines de peuples amérindiens, tant et si bien que vers 1750, ces alliances franco-amérindiennes contenaient les colonies anglaises dans le territoire compris entre les Appalaches et le littoral atlantique (pour les intéressés, le billet du 24 mai présente ces « Alliances franco-amérindiennes (1603-1803) »).

Célébrer le 400e en France

Parmi la longue liste des événements qui se produiront en France, j’aimerais en souligner quelques-uns. Il y a d’abord cette aventure de la Grande Traversée. Une cinquantaine de voiliers vont reproduire le périple de nos ancêtres. Ils vont quitter le port de La Rochelle le 8 mai en direction de Québec ( www.grandetraversee400.com ). C’est le Belem, célèbre trois-mâts, qui naviguera en tête. Ces équipages d’aventuriers vont rallier Québec le 24 juin, à temps pour la fête nationale du Québec.

Mais dès aujourd’hui, on peut se placer dans cette ambiance de la Grande Traversée, en se rendant du 1er au 8 mai à La Rochelle. Un village du départ a été érigé autour du Bassin des Chalutiers. Toute la semaine, il y aura des animations franco-québécoises commémorant ces départs de milliers de Français vers la Nouvelle-France. Le 8 mai, la ville de La Rochelle offrira au Gouverneur général du Canada, le Grand livre de Champlain. Entièrement calligraphiée à la main par des artistes français, chaque page de ce grand livre fait deux mètres de haut et un mètre et demi de large. Il comprend tous les écrits et cartes géographiques produits par Samuel Champlain, cartographe du Roi de France et fondateur de la Nouvelle-France.

Le 24 juin, fête nationale du Québec, quelque 400 feux de la Saint-Jean seront allumés dans diverses communes de France. Puis le 3 juillet, anniversaire de l’établissement de la petite colonie française de Samuel Champlain sur les rives du fleuve Saint-Laurent, quelque 4000 communes de France vont hisser le drapeau du Québec, en reconnaissance de ces liens d’amitié, de parenté historique, qui ont traversé les océans et les siècles (une liste plus élaborée des événements de France est disponible sur le site internet http://www.francequebec400.fr )

Célébrer le 400e au Québec

Du côté de Québec, il y a plus de deux cents festivités et célébrations culturelles, sportives, économiques et politiques programmées en 2008. Le Sommet des États de la Francophonie du 17 au 19 octobre prochain, où le Président de France sera présent, marquera la fin de cette année de célébrations du berceau de l’Amérique française.

Pour les cérémonies entourant le 3 juillet à Québec, le Premier ministre de France sera l’hôte du gouvernement du Québec. Une liste foisonnante de festivités est programmée de mai à octobre (http://www.monquebec2008.com ). Il y aura le Retour aux sources où des voiliers du Québec, accompagnés de voiliers ayant fait la Grande Traversée, quitteront Québec le 6 juillet pour rallier le port de La Rochelle, vers la fin du mois d’août.

J’aurai l’occasion de commenter dans ce blogue certains de ces événements, car même si j’habite la grande région de Montréal, pour les prochains mois je m’installe à Québec, question d’être au coeur de ces festivités. Mais d’une manière générale ce blogue, abordera principalement des thèmes qui touchent le Québec en Amériques : le fait d’y vivre l’Amérique en français, mais aussi dans le cadre de ses relations avec l’Amérique anglophone, l’Amérique hispanophone, l’Amérique amérindienne, etc. C’est pour ces raisons que ce blogue se nomme simplement Québec en Amériques. Il y sera question de son histoire, mais aussi de son présent et pourquoi pas de son à-venir…

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Puisque c’est le premier mai, permettez-moi de suivre une jolie coutume française et de vous offrir un amical brin de muguet. Ici, le doux printemps s’est fait désiré, mais il est là.

Profitons-en.

N.B.: l’image qui évoque la migration vers la Nouvelle-France au XVIIè siècle est un extrait d’une photo d’un vitrail de l’église de Mortagne en Perche (France).