Pow wow de St-Malo annulé: Canada et peuples autochtones

(ajout d’information 5 mars 2010:  Nous terminions le dossier ci-dessous de mai 2008 en demandant «  » »au gouvernement fédéral du Canada de signer la Déclaration des droits des peuples autochtones avant la tenue des Jeux olympiques de Vancouver 2010«  » ».

Au lendemain des Jeux olympiques de Vancouver, le 3 mars 2010, dans le « discours du Trône » qui inaugurait la nouvelle session législative, le gouvernement du Canada dirigé par M. Harper s’est enfin engagé à signer la Déclaration des droits des peuples autochtones )

__________________________________________________________________________________________________

Le maire et les résidents de Saint-Malo ont raison d’être déçus que le Rassemblement amérindien, communément appelé « pow wow », qui devait se dérouler en leurs murs du 27 juin au 6 juillet ait dû être annulé, officiellement pour des raisons financières.

S’insérant dans le cadre du 400e anniversaire de la fondation de Québec et de la permanence d’une Amérique française, le projet était culturellement intéressant pour les Malouins et les touristes français. Il visait à illustrer le monde amérindien avec lequel Jacques Cartier, et ultérieurement Champlain et les premiers Français étaient entrés en contact. Il était prévu que les onze nations autochtones du Québec y participent. Chacune aurait envoyé quelques membres faire connaître la culture de leur peuple. Un village amérindien temporaire aurait été aménagé à St-Malo. En contrepartie, ces communautés amérindiennes espéraient faire connaître les pratiques écotouristiques qu’elles ont développées dans leurs communautés respectives et donner aux Français le goût de les visiter en terre d’Amérique. Dès octobre 2006, lors de l’annonce de cet événement, il était prévu que la France et le Québec financerait cette activité. Du côté québécois la ministre du tourisme, Mme Françoise Gauthier avait manifesté son ouverture à ce projet. Il restait toutefois à obtenir l’assentiment de la Société du 400e pour qu’il soit inscrit dans les activités officielles.

Le 12 octobre 2007 des représentants de la Société du 400e, les Commissaires du Gouvernement du Québec et de la Ville de Québec, le maire suppléant de la ville de Québec, M. Ralph Mercier, le ministre Philippe Couillard, responsable de la région de la Capitale-Nationale, tous présents à St-Malo ont été témoin de l’enthousiasme que le maire Couanau affichait pour ce projet devant les médias (Julie Lemieux, Le Soleil, samedi 13 octobre 2007, p.20). Il a semblé que les représentants de ces trois institutions endossaient ce projet de rassemblement amérindien à St-Malo. Du côté français, le maire Couanau  de St-Malo et les organisateurs de cet événement se sont sentis appuyés dans leur projet et sont allés de l’avant.

Catastrophe. À moins de deux mois de la tenue du Rassemblement autochtone, le maire de St-Malo, amèrement déçu, on le comprend, se voit contraint d’annuler l’événement. Du côté canadien, des raisons officielles de financement sont invoquées.  Officiellement, il manquerait 500 000 dollars, voire 1 million de dollars pour assurer la tenue du Pow Wow de St-Malo.

La journaliste Julie Lemieux du quotidien Le Soleil de Québec interroge le maire Couanau : «Le projet pourrait-il avoir été bloqué par crainte que le rassemblement des Premières Nations en France ne serve de tremplin pour des revendications territoriales? Le maire hésite… «Je n’ai aucune raison de le croire» » (Le Soleil, 5 mai 2008, p. 5) (http://www.cyberpresse.ca/article/20080505/CPSOLEIL/80504126/1019/CPACTUALITES). Le maire de St-Malo se révèle fin diplomate, mais un examen des faits nous amènera à penser que le Gouvernement du Canada n’a pas donné son assentiment à cet événement.

-Le gouvernement du Canada et le statut des Autochtones

Le 12 octobre dernier, lors de leur passage à St-Malo, des représentants de la Société du 400e, de la Ville de Québec et du Gouvernement du Québec ont fait part de leur appui tacite à la concrétisation de ce projet.  Le Commissaire du Gouvernement du Québec pour les fêtes du 400e anniversaire, M. Raymond Lesage a informé, en novembre 2007, qu’un rassemblement amérindien se  tiendrait à St-Malo, du 27 juin au 6 juillet. Il semble toutefois cette annonce ait été prématurée. Le gouvernement du Canada n’avait probablement pas donné son assentiment définitif à ce projet de Rassemblement amérindien hors des frontières du Canada. D’ailleurs en décembre 2007, le Commissaire fédéral des fêtes du 400e de la ville de Québec qui était en poste a été démis et remplacé par M. Denis Racine, porteur des nouvelles consignes du Gouvernement du Canada dirigé par le Premier ministre Harper.

Dans les faits, le Commissaire aux affaires autochtones (qui relève lui aussi du Gouvernement du Canada), M. Lainé, le quatrième commissaire à qui la Société du 400e est redevable, avait fait savoir aux organisateurs innus-montagnais que la Société du 400e n’avait pas l’autorisation de financer des activités à l’extérieur de Québec. (entre les lignes, cela signifie que cet aspect protocolaire lié à l’international relevait du niveau d’autorité fédéral; en termes clairs, la Société du 400e avait les mains liées lorsque l’activité touche à l’extérieur de la ville de Québec).

Il faut savoir que l’actuel gouvernement du Canada, dirigé à Ottawa par le Parti Conservateur de M. Stephen Harper a refusé, au nom du Canada, de signer le 13 septembre 2007 à l’ONU, la Déclaration sur les Droits des Peuples Autochtones. Donc, que deux mois plus tard, que la décision de ne pas permettre ce rassemblement à St-Malo soit prise, est conforme avec les orientations de ce gouvernement.

Il y a 143 pays membres de l’ONU qui ont signé cette Déclaration, et seulement quatre pays qui ont refusé de signer : le Canada en tête, mais aussi les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. De plus l’actuel gouvernement fédéral du Canada, celui des Conservateurs de Stephen Harper, refuse depuis 3 ans de donner suite aux accords de Kelowna, signés en 2005 par le gouvernement précédent, celui de Paul Martin. Les accords de Kelowna prévoient que des sommes de 5 milliards de dollars sont destinées à améliorer les conditions sociales et éducatives des Autochtones du Canada.

-Jeux olympiques: La Chine et les manifestants tibétains, le Canada et les manifestants amérindiens ?

Autre élément important, le 17 avril 2008, le chef de l’Assemblée des Premières Nations du Canada, M. Phil Fontaine a déclaré dans une conférence de presse que les milliers de Canadiens qui « marchent aujourd’hui en faveur d’un Tibet libre devraient être scandalisé par la misère abyssale de leurs concitoyens autochtones ». Il a ajouté que les Amérindiens du Canada profiteraient de toutes les tribunes pour faire reconnaître les droits des Autochtones y compris celle des « jeux olympiques de Vancouver de 2010 ». En résumé, si l’on fait le lien entre les deux affirmations précédentes, on peut en déduire que si la Chine et les Jeux olympiques de Pékin 2008 ont leurs Tibétains, le Canada et les Jeux Olympiques de Vancouver pourraient bien être le lieu de manifestations amérindiennes si le Gouvernement du Canada ne donne pas suite aux accords de Kelowna qui ont été signés en 2005. Le Premier ministre, M. Harper se fait un plaisir de recevoir le Dalaï Lama afin de chatouiller la fibre diplomatique de la Chine. Est-ce qu’il craint que le Président de France, ou d’autres dignitaires européens, ne reçoive les Premières Nations?( n’est-ce pas ce que suggère la question du journal Le Soleil?) (http://www.cyberpresse.ca/article/20080417/CPACTUALITES/80417210/5910/CPACTUALITES).

Au même moment, Denis Gill, directeur général de la Société de développement économique Ilnu de Mashteuiatsh qui avait été mandaté par le Conseil des Montagnais du Lac-Saint-Jean pour réaliser le Rassemblement amérindien de St-Malo émettait un communiqué de presse indiquant qu’il ne pourrait tenir le Rassemblement amérindien de St-Malo. Son organisme ne serait pas parvenu à trouver le financement nécessaire auprès des gouvernements, il renonçait à aller de l’avant avec ce projet.  Il avait été informé que  tous les fonds destinés aux nations autochtones pour le 400e avaient été canalisés vers le peuple hôte, les Hurons-Wendats de Wendake. Est-ce que cette annulation n’est qu’une coïncidence troublante ou y aurait-il une corrélation avec la déclaration du chef de l’Assemblée des Premières Nations du Canada??? Je n’ai pas la réponse.

Les sources de financement se seraient taries, ou auraient déjà été toutes allouées. Néanmoins, à la lumière de la déclaration du chef Phil Fontaine, il est possible d’imaginer que le Rassemblement amérindien de St-Malo « dérangeait ». Les accords de Kelowna tardent à être mis en vigueur. Le Rapport de la Commission Royale sur les Peuples autochtones de 1996 tarde à voir ses recommandations prendre forme. En 1982, certains droits ancestraux des Autochtones ont été reconnus, mais la Loi fédérale sur les Indiens de 1869 et 1876 n’est pas encore abrogée.

-Amnistie internationale invite le Canada à signer la « Déclaration sur les droits des peuples autochtones »

D’autant plus qu’à l’occasion du premier mai, le refus du Canada de signer la « Déclaration de l’ONU sur les Droits des peuples autochtones » a été dénoncé par Amnistie internationale et une centaine de spécialistes des questions autochtones. Ils ont publié une lettre collective affirmant que le « gouvernement canadien continue d’utiliser (d)es déclarations mensongères pour justifier son opposition» à la Déclaration de l’ONU sur les Droits des Peuples autochtones. Selon ces experts, il est faux de prétendre comme le fait l’actuel gouvernement fédéral du Canada que la Charte canadienne des droits et libertés s’oppose aux droits autochtones ou que la signature de cette Déclaration de l’ONU permettrait aux Autochtones de réclamer l’ensemble du territoire et des ressources du Canada.

Un de leurs porte-parole, Sébastien Grammond, professeur de droit constitutionnel à l’Université d’Ottawa conclut que
 «La seule idée que vous vous opposiez à la déclaration des Nations unies sur la base qu’elle soit contraire à la Charte suggère l’idée que les droits autochtones sont contraires aux droits humains. C’est insidieux». (http://www.cyberpresse.ca/article/20080502/CPACTUALITES/805020645/1025/CPACTUALITES).

Sur le parquet de la Chambre des Communes (Ottawa), le 8 mai 2008, la députée Hedy Fry, de Vancouver s’est aussi  inquiétée de ces faits : » »la volte-face concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones ont fait que le Canada est devenu la cible de protestataires au niveau local et international, qui nous considèrent comme un pays qui ne reconnaît pas les droits de la personne.  Il s’ensuit que les Jeux de 2010 (Vancouver), comme ceux de Pékin, risquent de devenir une tribune où l’on soulignera la honte du Canada, plutôt que sa gloire.«  »

À la lumière de ces faits, il est permis de penser que les représentants de la Société du 400e, de la ville de Québec et du gouvernement du Québec même s’ils ont paru donner leur appui tacite à l’idée de la concrétisation du Rassemblement amérindien de St-Malo, ces instances n’avaient pas l’autorité politique nécessaire pour soutenir ce projet. Les peuples amérindiens relèvent de l’autorité constitutionnelle du Gouvernement fédéral du Canada. En coulisses, il est possible, voire probable que le gouvernement du premier ministre Harper n’ait pas donné son assentiment final au projet au Rassemblement amérindien de St-Malo.

Demander au gouvernement fédéral du Canada de signer la Déclaration des droits des peuples autochtones avant la tenue des Jeux olympiques de Vancouver 2010

Québécois et Canadiens devraient demander à leur gouvernement fédéral du Canada de réviser leurs politiques à l’égard des Peuples autochtones le plus tôt possible et idéalement avant les Jeux olympiques de Vancouver de 2010.

_________________________________________________________________________________________________

N.B: la photo a été prise à l’été 2006 à Odanak, Québec, lors d’un pow wow abénaki

toutefois les danseurs sont des Hurons-Wendats,  troupe « Sondakwa », de Wendake