Dans la grande région métropolitaine de Montréal, nous avons un aéroport international nommé Pierre-Elliot-Trudeau, un pont Jacques-Cartier, un tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine, un pont Honoré-Mercier, un parc Jean-Drapeau, et sa plage Jean-Doré. De même, l’aréna Maurice-Richard n’est pas l’aréna d’un Richard parmi d’autres, c’est celle du grand Maurice.
En conséquence, la nouvelle structure du pont Champlain 2.0 devrait être nommée « pont Samuel-de-Champlain », car la ville de Montréal n’échappe pas à cette pratique toponymique qui consiste à donner à nos infrastructures les noms complets de nos plus illustres personnages nationaux ou de personnages locaux dont nous souhaitons rappeler l’existence à nos concitoyens.
Et il en est de même des villes de l’agglomération de Longueuil qui attendent elles aussi l’ouverture du pont renouvelé. Longueuil a sa Place Charles-Le Moyne, Brossard a sa bibliothèque Georgette-Lepage. Le Colisée Jean-Béliveau de Longueuil n’est pas le colisée d’un Béliveau, c’est celui du grand Jean.
Toutefois, le pont Champlain ouvert en 1962 était le pont le plus fréquenté au Canada. Il s’est détérioré plus rapidement que prévu et n’avait pas appliquer la pratique toponymique habituelle. Après des de tergiversations, enfin en 2018, la population de la grande région métropolitaine de Montréal a pu commencer à profiter du nouveau pont qui a remplacé l’actuel pont Champlain, mais plusieurs médias ont avancé l’idée, et ce dès novembre 2014, qu’il fallait corriger l’oubli ou l’erreur de 1960 et renommer le pont Champlain renouvelé : pont Samuel-de-Champlain .
À ma connaissance, le premier à faire cette suggestion a été l’éditorialiste de La Presse, François Cardinal, dans un texte publié le 4 novembre 2014, suggestion qu’il reprit le lendemain dans une entrevue à l’émission de Franco Nuovo, à la radio de Radio-Canada. Deux jours plus tard, dans la rubrique Idées du Devoir, R. Bédard et F. Bouvier soulignaient avec justesse que cette appellation pont Samuel-de-Champlain, permettait à la fois de le distinguer de l’ancien pont tout en permettant de mieux se conformer avec les règles de la toponymie. D’autres médias ont par la suite repris cette idée.
À huit mois, ou un peu plus de l’ouverture officielle de ce pont renouvelé, il faut agir vite car les panneaux routiers et autres indicateurs géographiques devront très bientôt être réalisés.
SAMUEL DE CHAMPLAIN ET LES ALLIANCES AMÉRINDIENNES
S’il y a quelqu’un parmi nos personnages historiques qui mérite bien d’être rappelé à la mémoire des générations futures, c’est bien Samuel de Champlain. Il a été un grand explorateur et navigateur. Scientifique, il a été un cartographe important. Mais par-dessus tout, il a été celui qui a su préparer avec soin la fondation de Québec en 1608 et par-delà l’établissement des Français en terre d’Amérique.
Il a étudié les quatre tentatives d’établissement que ses prédécesseurs français avaient menées : Jacques Cartier et le sieur de Roberval (1541-1543, à Cap-Rouge), Laudonnière et Ribault en Floride (1562-1567), le marquis de La Roche à l’île de Sable (1597-1602), et enfin celle de Pierre de Chauvin à Tadoussac (1599-1600). Champlain a pris bonne note des difficultés rencontrées lors de ces premières expériences d’établissement, dont les relations hasardeuses avec les Amérindiens.
Plus importante encore fut son expérience lors d’un voyage au Mexique en 1599 et 1600, voyage où il a été témoin des mauvais traitements que les Espagnols infligeaient aux Amérindiens.
Il en est revenu avec le rêve d’un empire où Amérindiens et Européens pourraient vivre ensemble harmonieusement. Il résolut que son établissement soit une colonie basée sur des alliances avec les Amérindiens.
Alliances convenues dès 1603 à Tadoussac avec trois peuples algonquiens qui acceptèrent que nos ancêtres français viennent « peupler leurs terres » : soit les Montagnais-Innus et leur chef Anadabijou, les Algonquins et leur chef Tessouat, ainsi que les Malécites-Etchemins.
Entre 1603 et le 25 décembre 1635, date de son décès à Québec, Samuel de Champlain a traversé l’Atlantique plus de 25 fois, à une époque où ce n’était pas sans péril, les traversées durant entre un et trois mois. À lui seul, il a établi un pont vers l’Europe en passant près de quatre années en mer afin de plaider la cause de sa colonie auprès du roi de France.
On peut sans aucun doute saluer la ténacité et la persévérance de Samuel de Champlain de même que l’esprit d’humanisme qu’il a cherché à établir dans ses rapports avec ses alliés amérindiens.
Que le pont renouvelé porte le nom de pont Samuel-de-Champlain, voici un sujet qui devrait faire l’unanimité tant de nos élus fédéraux, provinciaux, municipaux ainsi que de la population, tout en rencontrant les critères actuels de la Commission de toponymie du Québec, ainsi que de la Commission de toponymie du Canada et des autres commissions de toponymie. Il revient maintenant au ministre des Infrastructures du Canada, ainsi qu’à la Société des ponts Jacques-Cartier et Champlain inc et à leur entourage d’agir en ce sens.
Longue vie au pont Samuel-de-Champlain.
Alain Lavallée
Le présent texte a été publié le 29 mai 2018 dans la section Débats de La Presse plus de Montréal
Une version moins élaborée avait auparavant été publié le 1 mai 2018 dans l’hebdomadaire le Courrier du Sud de l’agglomération de Longueuil.
-Pour une présentation des relations entre Français et Améridiens dans le cadre de la Nouvelle-France et la vision de Champlain, soit une Amérique Franco-amérindienne, voir sur ce blogue: