30e Gala de l’ADISQ et 400e de Québec : la « culture d’ici »à une croisée des chemins

par Alain Lavallée

Le spectaculaire Gala pour le 30e anniversaire de l’ADISQ à Montréal devant plus de 10 000 spectateurs, nous a rappelé de diverses manières que le 400e de Québec avait marqué l’année culturelle 2008 particulièrement en matière de spectacles (L’ADISQ est l’Association québécoise du disque, du spectacle et de la vidéo).

Par exemple, l’animateur Louis-José Houde a salué la foule d’entrée de jeu avec un « Bonsoir toute la gang », clin d’œil humoristique aux premiers mots de Paul McCartney sur les Plaines le 20 juillet.

Puis le premier Félix de la soirée a été présenté par Ginette Reno qui s’est adressée directement et longuement à Céline Dion, en évoquant le mémorable duo qu’elles ont formé sur les Plaines d’Abraham le 22 août dernier lorsqu’elles ont  interprété la chanson « Un peu plus haut, un peu plus loin ».

De fait au cœur de ce Gala du 30e anniversaire, l’immense hommage offert à Céline Dion pour saluer l’hallucinante démesure de sa carrière, était comme un remerciement pour le spectacle qu’elle nous avait offert le 22 août à Québec sur les Plaines. Ce spectacle avait lui-même été un hommage qu’elle avait rendu à son milieu d’origine « Un spectacle unique, entièrement en français, un spectacle familial, oui, mais de sa très grande famille, les Québécois et les francophones d’Amérique (notre billet du 27 août, Céline Dion) ». En retour, au Gala de l’ADISQ, le milieu artistique québécois lui a exprimé sa reconnaissance.

Comme le souligne Nathalie Petrowski :« « L’été dernier sur les Plaines, chaque artiste qui avait été invité à chanter avec Céline semblait transfiguré par l’expérience. Le phénomène s’est poursuivi dimanche soir devant un milieu autrefois moqueur et qui, cette fois, était à genoux devant Céline et semblait lui implorer pardon. Le public, de son côté, n’en finissait plus de déclarer à Céline l’amour fervent et inconditionnel qu’il lui porte. » » ( 30 ans plus tard, 4 nov.2008, La Presse, Mtl)

Mythe, déesse et nouvelle devise du Québec (?) :

D’ailleurs à tout seigneur tout honneur, c’est le parolier Luc Plamondon qui s’est fait diseur et présentateur du Félix Hommage à Céline Dion. Afin de l’introduire dans le Panthéon, Plamondon, ce créateur de mythes de la culture populaire québécoise et francophone s’est attaché à illustrer en conte de fées le cheminement de la « petite fille du royaume de Charlemagne » dont les « huit sœurs ainées étaient penchées sur son berceau à sa naissance ».

Vrai que seuls les Dieux et Déesses vivent au Panthéon. En l’introduisant au panthéon Plamondon s’est amusé. Il est même allé jusqu’à accorder au spectacle du 22 août sur les Plaines un statut de mythe refondateur de la culture québécoise, ou presque. En un joli clin d’œil, Plamondon a avancé que depuis ce spectacle la devise du Québec n’était plus « Je me souviens » mais bien «  Un peu plus haut, un peu plus loin », référant à l’émouvante interprétation de cette chanson de Jean-Pierre Ferland par Céline Dion et Ginette Reno.

 http://www.youtube.com/watch?v=LvLgCa2C_vo

Mais dans les faits, Plamondon ne faisait qu’entériner ce que des milliers de jeunes Québécoises et Québécois qui idolâtrent Céline Dion depuis des années avaient déjà adopté comme devise « un peu plus haut, un peu plus loin ».  Devise tout à fait sur la même longueur d’ondes que cette chanson que la population du Québec a été proclamée au vote populaire « chanson de l’année 2008 » :  « Je veux tout » d’Ariane Moffatt.

Avant d’aller plus loin, voici deux petits vidéos, celui de la chanson de l’année « Je veux tout ». Ariane Moffatt avait interprété sa chanson sur les Plaines, lors du spectacle Paris Québec, dimanche le 24 août.  Suivi du vidéoclip de l’année, soit  « Échapper au sort » » de Karkwa.  Karkwa a aussi présenté cette chanson à l’Agora du Vieux-Port le 12 août dans le cadre de la « Semaine de la jeunesse » de « l’Institut du Nouveau Monde » (billet du 14 août « Déclaration jeunesse« ).

vidéo de la chanson de l’année

« Je veux tout« , Ariane Moffatt

vidéoclip de l’année : Karkwa « Échapper au sort »

(lien  vers le duo Dion-Reno dans « Un peu plus haut, un peu plus loin » du 22 août)

http://www.youtube.com/watch?v=0slOZv19g-k

Les autres gagnants du Gala 2008 :

Si l’on tient compte des 3 soirées de remises de prix de l’ADISQ, 58 Félix ont été attribués: soit 13 lors du grand gala de dimanche le 2 novembre, 20 lors de l’autre gala du lundi précédent et 25 honorant les compétences et talents des spécialistes de « l’industrie: musiques, vidéos, spectacles».
Les étonnants et méritants Karkwa en ont récolté quatre, l’incontournable et appréciée Isabelle Boulay, en amassait quatre dont celui d’interprète féminine de l’année pour une septième fois. Ariane Moffatt et son album « Tous les sens » en moissonnait quatre aussi. Le duo Alfa Rococo, révélation de l’année, cueillait avec grand plaisir et surprise, deux Félix.  Le créateur talentueux Daniel Bélanger en engrangeait trois de plus pour son spectacle et Gregory Charles recevait au vote populaire le titre d’interprète masculin de l’année.

(La liste de tous les gagnants de Félix est présentée à la toute fin de ce billet.)

La culture québécoise à la croisée des chemins :

Lorsqu’elle a reçu avec joie et surprise, son Félix pour la chanson de l’année, Ariane Moffatt a souligné que cette chanson exprimait son impatience et son insatiabilité.  Nathalie Petrowski commente ainsi  « «  Que cet hymne à l’individualisme exacerbé et au refus de choisir et de s’engager triomphe sur les autres chansons en dit beaucoup sur le Québec d’aujourd’hui. (…) À force de vouloir tout et tout de suite, on risque de se retrouver avec rien. Peut-être pas demain, mais certainement dans 30 ans. » »

Pour Nathalie Petrowski cette insatiabilité du tout et tout de suite, comporte ses risques et ses désillusions. Aucun doute, rappelons-nous Jim Morrisson, le chanteur des Doors qui dans ses chansons il y a 40 ans exactement s’écriait avec rage et passion « I want the world and I want it now ».
Le tout, tout de suite rageur est aussi une voie royale pour les désillusions et le désabusement. La rage de Morrison, on le sait l’a mené à la mort deux ans plus tard à 27 ans (surdose d’un cocktail d’alcool et de dope).

Mais heureusement dans le « Je veux tout » d’Ariane Moffatt, il y a une joyeuse et salvatrice autodérision. Ce « je veux tout » peut être un projet individuel risqué mais ce ne peut être un idéal collectif, un projet de société, celui d’un peuple. Comme l’écrit Nathalie Petrowski : « « Ce moment de communion entre Céline et le public fut à la fois magique, mais aussi un brin inquiétant. Car aussi inspirante soit-elle, Céline Dion n’est pas René Lévesque. Elle a peut-être gravi de très hautes montagnes, mais elle n’a pas changé le cours des choses au Québec ou ailleurs. Sa conquête est une conquête marchande et l’aboutissement d’un travail acharné combiné à son immense talent.
Les Québécois ont raison d’applaudir Céline et de se projeter dans ses succès. Ils ont raison de lui vouer une sorte de culte. Le problème c’est que ce culte poussé à l’extrême finit par tourner à vide et par laisser ses adeptes, fascinés, immobiles et incapables de partir à la conquête de leurs propres sommets et, surtout, de reconnaître qu’il y a d’autres sommets que le succès et l’argent. Assez étrangement, il y a 30 ans, alors que Céline rêvait d’une carrière internationale, l’art était plus important que le succès et l’argent. La preuve c’est que cette année-là, c’est Le blues du businessman, l’histoire d’un homme riche, prospère, mais frustré de ne pas être un artiste, qui a remporté le titre de chanson de l’année
. »( 30 ans plus tard, 4 nov.2008, La Presse, Mtl) »

L’art ou l’argent. Quelle est la mesure d’une réussite culturelle ? Quelle est la mesure d’une carrière artistique ? Les revenus qui font sonner les tiroirs-caisses ? Le nombre de pays visités ? la langue, les langues de diffusion ? « L’art ou l’argent » a-t-il été remplacé par « l’argent, toujours plus d’argent et l’art « ?

Où nous mènerait ce « je veux tout » et cette idolâtrie si elle était devise de tout un peuple?

Des statistiques de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec (30 septembre ) sur les revenus générés par les spectacles au cours de l’année qui vient de s’écouler montrent que les spectacles en anglais ont encaissé un peu plus d’entrées de fonds que les spectacles en français.  Étonnant non ? pour une population dont 80% ont pour langue maternelle le français. Faut-il y voir un signal d’alarme, un indicateur de croisée des chemins? Est-ce une anomalie statistique, ou un indicateur d’une tendance lourde, d’une vague anglophile qui se mutera en raz-de-marée?

(http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/commentarts/200811/09/01-37914-chanson-francophone-le-deni-de-levidence-1.php )

–    la fascination pour une carrière sans limites : le français (?) l’anglais  (?)

Beaucoup de politesse lors de ce gala de l’ADISQ. Louis-Jean Cormier de Karkwa, en recevant un Félix dit simplement qu’il espère que les politiciens vont continuer de supporter la culture. Le ton et l’humeur n’étaient pas  à la revendication. Une célébration à des années-lumière du « unissons-nos-voix » de la dernière campagne électorale fédérale. On sentait des inquiétudes qui se profilent en douce. Ici et là au cours de la soirée, de petits signaux se sont allumés sur la question de l’usage de l’anglais et du français par exemple.

Le Gala a débuté avec la présentation d’un document d’archives où Félix Leclerc parle. Il dit entre autres « « Chantez et le Québec ne mourra jamais » ». Aucun doute que pour Félix, et tous ceux qui le connaissent, chantez, c’est chanter en français. Puis la musique a débuté en douceur par une très belle interprétation des premiers couplets de la chanson « Le tour de l’ïle » de Félix Leclerc par Karkwa (nommés groupe de l’année, et auteur-compositeur de l’année).

Lors de l’hommage à Céline Dion, Luc Plamondon a rappelé en douce que Céline Dion au cours de son ascension vers une carrière internationale avait toujours pris soin de faire un disque en français, un disque en anglais.  Plamondon a salué le respect dont elle a toujours fait preuve à l’égard de sa famille culturelle d’origine, comme en a magnifiquement témoigné son spectacle du 22 août, entièrement en français.

Auparavant Louis-Josée Houde nous avait servi longue et joyeuse tirade où il a décrit avec humour quelques-uns des pionniers de la chanson québécoise comme étant des outils avec lesquels on peut construire un édifice culturel solide. Il a présenté Robert Charlebois comme une «défricheuse de la chanson québécoise, qui a tout arraché l’herbe, et l’a toute fumée!», il a aussi caricaturé Gilles Vigneault (en « pied-de-biche »),  Jean Leloup (en « perceuse »),  Éric Lapointe (en « tronçonneuse »), Richard Séguin, etc. …

Il a terminé cette tirade de manière percutante. Faisant référence à la difficulté d’être servi en français dans des commerces de Montréal. Louis-José Houde s’adressant à un vendeur qu’il mime au passage s’écrie «Même si j’achetais du Puff Daddy and the Jive Bunny and the Master Mixers, tu me réponds en français.»  «You don’t speak French? I don’t pay in English!».  Bang!

Quelle justesse! On dit souvent que l’argent n’a pas d’odeur, mais on dit aussi « Money talks » et parle fort. Louis-José a décidé de faire parler son argent en français.

-« les Québécois et l’anglais : le retour du mouton ? »

Oui je pense comme Louis-José Houde que les Québécois ont besoin de retrouver individuellement et collectivement la beauté et l’amour de leur langue maternelle, ainsi qu’un goût certain de la faire valoir, de la faire respecter, sinon nous serons simplement des États-Uniens, dans « 30 ans » comme le suggère Nathalie Petrowski.

Il y a un livre très percutant de Christian Dufour sur cette question » » »Les Québécois et l’anglais, le retour du mouton«  » »(2008, 160 pages, les Éditeurs réunis) . Dufour souligne un fait troublant, soit que l’exigence que les Québécois se donnent collectivement d’être « full bilingue » contribue très directement à une tendance laissant croire que le français ne serait qu’accessoire, puis à moyen terme inutile… Il estime qu’«à certains égards, les Québécois sont engagés dans un angoissant processus d’assimilation».

Extrait   « Christian Dufour conteste les francophones (…) dans leur tendance à tellement valoriser l’anglais et le bilinguisme qu’on en vient dans les faits à remettre en cause le principe crucial de la prédominance du français au Québec. «Ce sont moins les immigrants ou les anglophones qui posent problème qu’une partie des francophones eux-mêmes, tentés d’abdiquer l’essentiel sous couvert d’ouverture au monde», affirme-t-il. Dans ce contexte, l’anglais n’est plus synonyme de volonté de réussite ou d’excellence, mais d’abdication identitaire et de médiocrité qui risque de faire des unilingues français des citoyens de seconde zone. Le jour où tous les Québécois seraient bilingues par principe et indépendamment des besoins, quelle motivation auront les anglophones pour apprendre le français? Quelle dévalorisation en découlera-t-il pour le français? Quel rétrécissement du marché en résultera-t-il pour les produits culturels francophones, les émissions de télé et de radio, les livres, les films, les disques? (…) Le problème du Québec n’est pas que ses citoyens ne sont pas bilingues, mais qu’ils sont prisonniers d’une dynamique d’échec, tentés par l’abdication. »

Croisée des chemins et voies vers le « monde » :  le  plurilinguisme

« Quitte le port, prends le large là-bas
Lève-là, l’ancre lève-là
»

Alfa Rococo (Félix Album populaire 2008 « Lever l’Ancre »

et Révélation de l’année )

J’ajouterai simplement qu’on oublie trop au Québec que quelqu’un peut fort bien être bilingue français-arabe, français-espagnol, français-roumain, français-mandarin.

Pourquoi le bilinguisme est-il envisagé au Québec de manière réductrice et unidimensionnelle ?

Si nous parlons d’ouverture sur les Amériques, il y a plus de locuteurs de langues latines en Amérique (600 millions) que de locuteurs de langue anglaise (350 millions) ? Le Québec glisse-t-il dans une américanisation pure et simple, ou bien est-il toujours à la recherche de son américanité particulière, de l’apport particulier qu’il peut amener aux manières de vivre dans les Amériques?

La francophonie est un des plus stimulants vecteurs de diversité culturelle dans le monde actuel, tout en étant une saine prudence écologique comme nous l’avons avancé dans notre billet du 10 septembre (« Francophonie et préservation de la diversité… ») ?  Autant de formes de bilinguisme, ou de plurilinguisme autant de passerelles vers le monde.

Pour les Québécois, le nombre de voies vers le « monde », vers une écoute internationale se multiplie. Plusieurs restent à inventer et à développer.

Il y a bien entendu le vaste champ de la France où Félix Leclerc a ouvert la voie et  Jean-Pierre Ferland, Gilles Vigneault et bien d’autres ont œuvré. Robert Charlebois, Céline Dion, Daniel Lavoie, Diane Dufresne, Garou, Isabelle Boulay, Natasha St-Pierre, Roch Voisine et tous les interprètes québécois des œuvres de Luc Plamondon et de ses complices européens (Berger, Coccciante, Savary, Head, etc.). Plusieurs autres les ont suivis, avec des degrés de réussite variés.

Puis de la France à la francophonie européenne (Belgique, Suisse) il n’y avait qu’un pas, vite franchi.

Il y a aussi la voie de l’autoroute « tout-en-anglais » comme le pratiquent Simple Plan et plusieurs autres groupes rock.

Nous assistons à l’éclosion de toute une série de voies hybrides.

Portée par la francophonie, la latinité et ses hybridations en musiques du monde la musique québécoise a vu ses voies se diversifier. De nouvelles voies sont à inventer.

Garou après avoir séduit la francophonie européenne a fait des tournées dans des pays francophiles (Pologne, Roumanie, etc.), membres de la francophonie. Il y a aussi cette francophonie québécoise qui déploie ses liens vers le monde africain (Corneille, frères Diouf, etc.) et le monde créole (Luck Mervil, Emeline Michel,).
Il en résulte des hybridations soudaines telles que Dobacaracol qui a promené durant trois ans sa musique du monde dans une quinzaine de pays, avant de se réinventer en une série d’autres groupes. (voici un petit souvenir : visionnez le vidéo « Étrange » de Dobacaracol)

http://www.dobacaracol.com/video.html

Il y a les slameurs et rappeurs du Québec et de la francophonie qui relancent la magie du verbe en français (Gatineau, Loco Locass, Radio Radio, …) (billet du 23 octobre: Musique et spectacles du 400e )

Il y a toute l’hybridation avec le monde latin, la latinité : Marco Calliari, El Colectivo, Bïa, Monica Freire, Qbanito etc.

Il y a Linda Thalie qui marie avec aisance francophonie et arabophonie. Une carrière à la Dalida lui semble ouverte, le talent est là. Il lui faudra trouver les vents porteurs et bien naviguer.

Il y a tout le monde musical des langues inventées comme l’ont pratiqué Jorane  et aussi le Cirque du Soleil et ses compositeurs (classé dans musiques du monde).  Jorane et le Cirque Du Soleil (soleil de minuit)

Il y a tout l’apport des cultures et langues amérindiennes à la culture québécoise et aux musiques du monde. Des artistes innus comme Florent Vollant (et Kashtin) ont déjà enrichi la culture québécoise et utilisé la passerelle francophone pour mettre en valeur leur apport à la diversité culturelle. D’autres artistes innus, algonquins, attikameks, inuits, etc.  créent et inventent et ont commencé à essaimer au-delà de leur communauté (Samian, Brian André, Sakay Ottawa, Mike O’Cleary, Élisapie Isaac,…)

(Puisque des langues algonquines comme l’innu, ou l’attikamek, etc.  ne vivent qu’au Québec, elles doivent elles aussi être protégées et considérées comme la langue française en ce qui concerne les quotas de diffusion à la radio.)

Voici le vidéoclip  « Nomades » de Samian et Shauit , chanté en français, en algonquien et en innu.

Enfin, il y a l’approche de  Malajube qui chante en français, fait des tournées dans une quinzaine de pays, mais c’est la musique qui prime, les voix sont un peu en retrait, comme si elles étaient un instrument. Voici un petit vidéo maison de jeunes Mexicains, amateurs de la musique de Malajube, qui viennent s’éclater à Montréal quelques jours, en choisissant comme musique d’accompagnement, la pièce «  »Montréal, -40 «  » de Malajube.

http://www.youtube.com/watch?v=iDk0K1UqzVg

Les voies du « local » vers le « global »,  les voies du « local » vers « l’universel »

La réussite immense de Céline Dion est due à son talent d’interprète immense cela va de soi, à son travail acharné et à un gestionnaire talentueux. Mais son ascendant ne devrait pas devenir objet de « culte ».  Il y a d’autres voies hybrides vers le globe, d’autres voies vers l’universel, d’autres sommets, d’autres quêtes pour les individus.
Comme l’a écrit Nathalie Petrowski, la seule mesure de la réussite d’une carrière ne doit être mesurable que par « l’argent », ou un record Guinness du nombre de disques vendus.

Daniel Bélanger, récipiendaire du Félix pour le spectacle de l’année 2008 clame justement que le « toujours plus » de notre mode de vie nous mène tôt ou tard face à « L’échec du matériel ». Bélanger nous invite à « Rêver mieux » « Tu me demandes combien je fais, je fais de mon mieux… Et ce mieux combien c’est ? Ce mieux est juste parfait… »

Mais il est vrai que Daniel Bélanger est certes admiré, respecté mais il est loin d’avoir le rayonnement d’une Céline Dion idolâtrée. Cela ne semble pas faire partie de ses aspirations. Il est heureux de pratiquer sa profession de musicien et chanteur, de créer de la beauté, d’en vivre. Pour des raisons personnelles probablement, il semble préférer créer plutôt que faire le tour de la planète pendant 5 ans. Il semble avoir choisi le « local » plutôt que le « global » ou l’anglobalisation, mais en créant et s’exprimant en français il parvient lui aussi à « l’universel ».

Si je reviens quelques instants à la chanson de l’année « Je veux tout » d’Ariane Moffatt. Cette chanson fait partie d’un album intitulé « Tous les sens » couronné album pop-rock de l’année.  Par ce titre Moffatt nous dit qu’elle fait appel, qu’elle veut éveiller « tous nos sens », mais et c’est là la merveille du français… cela évoque non seulement toute notre sensibilité, nos cinq sens, mais aussi toutes les « directions ».  Si on peut dire que Moffatt évoque dans « Je veux tout » l’insatiabilité, un désir inextinguible.

Elle décrit dans une autre chanson « Réverbères » dans quelle direction cela peut nous mener.
« L’Avenir me fait marcher,
Cette nuit le ciel est mon plancher….
Je me gèle à l’au-delà…
Je fonce vers ma solitude
» » »

Mais son auto-dérision vient la sauver du néant. Elle réalise bien que ses désirs font qu’elle s’invente une vie de « bande dessinée », un scénario qui n’est qu’un « manga (bande dessinée japonaise) », « une série B, mais ça me va » et que finalement il y a bien des « sens » possibles, bien des « directions » possibles. La vie n’est pas un sens unique.

Les auteurs-compositeurs-interprètes comme Bélanger et Moffatt créent forcément à partir d’un lieu, d’une culture locale pour cheminer vers « l’universel ». Une interprète chemine à partir du local oui, mais avec les auteurs-compositeurs qui l’alimentent. Deux voies nobles et différentes.

Réverbères d »Ariane Moffatt, le vidéoclip où elle « incarne une héroïne de BD qui triomphe de tous les dangers grâce à sa force intérieure »

Le refus par la Société du 400e de célébrer Félix Leclerc

Il est toutefois dommage que la Société du 400e ait refusé d’honorer officiellement Félix Leclerc, puisque c’était le 20e anniversaire de son décès, et ce malgré les démarches répétées d’organisateurs dont celles de Nathalie Leclerc, fille de Félix. Malgré aussi malgré le fait que le spectacle ait déjà été entièrement préparé par le metteur en scène Dominic Champagne et qu’il ait été offert à la Société du 400e. Il a été présenté à Montréal le 2 août comme spectacle de fermeture des Francofolies. (Félix, L’oublié du 400e , S. Blais-Houde, Le Soleil, 3 aout 2008, p. 9). Mais à Québec ce ne fut pas le cas.

Il est probable qu’un ou des commissaires chapeautant la Société du 400e se soit opposé à ce que Félix Leclerc soit honoré dans le cadre d’un spectacle du 400e.

Ceci étant écrit j’ai noté que quelques artistes au cours de l’été, lors de spectacles avaient tenus à interpréter une chanson de Félix et à saluer sa mémoire, mais ce furent des initiatives personnelles. Par exemple, le « Karaoké du 400e » mis en scène par Yvon Deschamps et présenté sur les Plaines le 15 juillet avait débuté par un joli salut à Félix (notre billet du 17 juillet).

__________________________________________________________________________________________

PS: pour ceux qui s’intéressent à la question «  »l’anglobalisation (« globishness ») est-elle inéluctable, est-elle souhaitable ?  J’aborde cette question dans mon billet du 10 septembre 2008: « Francophonie et préservation de la diversité culturelle : une saine prudence écologique« .  http://quebec.blog.lemonde.fr/category/francophonie/

PS2: il y a une « croisée des chemins » technologique aussi le passage de la technologie des CD vers le téléchargement en ligne (et le piratage) pose aussi des problèmes plus que sérieux aux artistes, comme l’expose fort bien cet article de Valérie Lesage:

http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/commentarts/200902/16/01-828011-chanson-francophone-qui-a-tue-ma-musique.php

__________________________________________________________________________________________

LISTE des GAGNANTS de FÉLIX 2008

Gala du dimanche 2 novembre

* Chanson populaire de l’année: Je veux tout, Ariane Moffatt
* Album de l’année – Meilleur vendeur: Claude Dubois, Duo Dubois
* Album de l’année – Populaire: Alfa Rococo, Lever l’ancre
* Album de l’année – Pop-Rock: Ariane Moffatt, Tous les sens
* Album de l’année – Rock: Marie-Mai, Dangereuse attraction
* Auteur ou compositeur de l’année: Karkwa
* Interprète féminine de l’année: Isabelle Boulay
* Interprète masculin de l’année: Gregory Charles
* Groupe de l’année: Karkwa
* Révélation de l’année: Alfa Rococo
* Spectacle de l’année – Auteur-compositeur-interprète: Daniel Bélanger, L’échec du matériel
* Spectacle de l’année – Interprète: Isabelle Boulay, Ta route est ma route
* Hommage: Céline Dion
L ‘Autre gala du lundi 27 octobre

. Album alternatif : Karkwa Le volume du vent
* Meilleur vidéoclip: Karkwa, Échapper au sort
* Album folk de l’année pour un enregistrement en spectacle,
Au Grand Théâtre de Québec : les Cowboys fringants
* Album hip hop : Gatineau
* Album anglophone de l’année : Sylavain Cossette, 70’s
* Album jazz interprétation: Bruno Pelletier et le GrosZorchestre
* Album jazz création: Oliver Jones, Second time around
* Album orchestre et grand ensemble classique: Bernard Labadie et les Violons du Roy, Handel – Water music
* Album soliste et petit ensemble classique: Angèle Dubeau et la Pièta, Un conte de fée
* Album vocal classique: Karen Young, Âme, corps et désir
* Album country: Quand le country dit bonjour… Volume 2
* Album électronique: Chromeo, Fancy footwork
* Album humour: François Pérusse, L’album du peuple – Tome 7
* Album instrumental: Richard Abel
* Album jeunesse: Shilvi
* Album musique du monde: Michaël
* Album traditionnel: Fred et Nicolas Pellerin
* Spectacle humoristique de l’année : Louis-José Houde, Suivre la parade
* Artiste québécoise s’étant le plus illustré à l’extérieur du Québec : Isabelle Boulay
* Artiste de la francophonie s’étant le plus illustré au Québec : Grand Corps malade

(pour la liste des artistes en nomination pour chaque Félix ainsi que les gagnants de chaque Félix, dans chacune des 58 catégories;
cliquez sur le lien suivant :

http://www.adisq.com/doc/gala-2008/index-nomin.html