Thomas Dutronc à Québec : blogue du 400e

Thomas Dutronc à Québec

par Alain Lavallée

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((les photos sont de Carole Lafond-Lavallée , prises le 2 août 2008, Québec

Spectacle attendu à Québec que celui de Thomas Dutronc.  À ma connaissance, c’est la première fois que les portes de la Grande Place du 400e fermaient avant d’ouvrir, si on me permet l’expression.  Normalement le spectacle débute chaque soir à 20 heures, toutefois lorsque 700 ou 800 personnes sont déjà installées dans cette salle de formule cabaret, il n’est plus possible d’entrer. Donc avant 20 heures, la salle avait fait le plein.  Les gens avec qui nous partageons la table, étaient là depuis 17 heures. Son passage aux Francofolies de Montréal les jours précédents avait créé des attentes.

Défi relevé. Spectateurs charmés. Pourtant si je vous décris les éléments qui composent ce spectacle, cela va vous paraître bien hétéroclite: un monologue sur les affaires (rapacité des dirigeants des compagnies cotées en bourse), une interprétation d’O sole mio, une pièce de Jean-Sébastien Bach, une parodie de l’Été Indien de Joe Dassin, un drap blanc qui sert à produire des ombres chinoises ou à recevoir des images vidéo, une valise contenant des objets hétéroclites….   enfin, hétéroclite à première vue. Cela aurait pu donner n’importe quoi, et pourtant avec une mise en scène simple mais astucieuse (je n’ose pas écrire « intelligente » ce serait mal vu), le talent de cette bande de copains, leur délire contrôlé et fort sympa, leur imagination parfois débridée et une certaine désinvolture (que ne permet que le travail bien fait), et enfin une virtuosité qui fleurit, qui éclate au vu et au su de tous, comme si elle avait été l’objet d’une retenue.

Thomas Dutronc: 

      les copains d’abord et la convivialité

Bien entendu, ce spectacle personne ne peut en douter est un hommage au génie de ces instrumentistes français, des géants, qu’ont été le guitariste Jean Baptiste (« Django ») Reinhardt et le violoniste Stéphane Grapelli. Il débute par deux pièces instrumentales de et à la « Django » Reinhardt et se termine par une pièce où le violoniste Pierre Blanchard se fait virtuose.

Mais ce spectacle est aussi un coup de chapeau à Georges Brassens. Il est placé sous le signe « Les copains d’abord », sous le signe de la convivialité.  Les musiciens se retrouvent à quelques reprises à une petite table, jouant aux cartes, ou à je ne sais trop quoi… manière de nous montrer qu’avant d’être des musiciens, des professionnels, ils sont une bande de copains qui déconnent ensemble, joyeusement.

La première chanson est « Comme un manouche sans guitare » où Thomas chante non sans humour le lien, le lien amical et amoureux, ce contact humain qui transfigure  (extraits de la chanson)

« « « Comme une pizza sans olive
Une page de pub sans lessive
Si t’es pas là,
J’n’suis plus moi

Comme un arbre sans racine
Comme le théatre sans Racine
Sur cette plage sans Aline

Comme t’es pas là, je suis sur les « point com »
Rolex, Viagra, tout ça et je suis comme un con

J’ai dix-huit montres,
La bébète qui monte
J’me rends plus compte
Quand t’es pas là,
J’n’existe pas » » » » » »

Puis la bande de copains s’amuse, se fait plaisir. Ils jouent de la musique, ils se lancent dans un pot pourri hétéroclite de chansons qui ont été de grands succès « Thriller » de Michael Jackson, « Sympathy for the devil » des Rollings stones, « C’est bon pour le moral » de la Compagnie créole, « YMCA » des Village People, etc…..  Ils se jouent de la musique, ils jouent avec la musique, délire sympa, manière de dire c’est amusant de faire cela, mais voilà c’est fait on s’est bien amusé, on passe à autre chose. Quel est cet autre? thomas-dutronc-musiciens1.1218125654.jpg

Liberté exigeante de  la musique des romanichels-tziganes-manouches:

Ils ont choisi de plonger dans et d’emprunter à une musique qui improvise, de manière apparemment débridée, mais exigeante.  Née de la liberté, mais aussi du rejet et de la marginalité, la musique des romanichels-tziganes-manouches  (peu importe le nom qu’on lui donne) est une musique qui emprunte à la dernière culture nomade d’une Europe sédentaire. C’est une musique à la fois profondément française (comme Jean Baptiste « Django »,  Stéphane Grapelli) et profondément latine (italienne, roumaine, espagnole…), donc profondément européenne, mais à la marge d’une Europe de la compétitivité, des mégapoles trop souvent peuplées de « Me, myself and I » qui pratiquent le crédo de l’égocentrisme, de la non convivialité.

C’est ce que Thomas Dutronc nous chante dans « J’aime plus Paris » (extraits… paroles)

« « Je fais la gueule
Et je suis pas le seul

Le ciel est gris
Les gens aigris
Je suis pressé
Je suis stressé

J’aime plus Paris
On court partout, ça m’ennuie
J’vois trop de gens
Je me fous de leur vie
J’ai pas le temps » » »

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La France, la latinité et une certaine joie de vivre



Plus tôt que de nous écraser sous les décibels et les méga-effets spéciaux techno, la bande à Thomas est à la fois astucieuse et « Hardy ». Elle puise dans le charme de Charles Trenet, la légèreté familière d’un Henri Salvador et la désinvolture « apparemment » nonchalante d’un Dutronc (Jacques, de son prénom), mais aussi dans la liberté exigeante et délirante des Reinhardt et Grapelli afin de livrer un spectacle astucieux qui emporte la salle par la virtuosité des musiciens, mais sans la « grosse tête »…tout à coup une blague vient dégonfler cette enflure de l’égo qui pourrait se pointer.

Il y a dans ce spectacle une joie de vivre typiquement française.  Cette racine française qui s’abreuve et se nourrit de latinité (franco-italo-espagno-roumano-…). Une latinité ouverte, puisqu’on y joue du Bach et un pot-pourri de musiques d’auteurs étatsuniens.

Latinité de la convivialité, de l’hospitalité, latinité de la qualité de vie où la qualité de l’être-ensemble prime. Une latinité qui s’est peut-être mieux préservée en région, à l’extérieur des mégapoles européennes et chez les nomades.  (Thomas Dutronc vit la plupart du temps en Corse, lorsqu’il n’est pas en tournée).

Cinq spectacles au Québec, puis c’est terminé, ils sont déjà retournés sur les routes de France.

Bravo à Thomas Dutronc, Pierre Blanchard, Jérôme Ciosi, Bertrand Papy et Stéphane Chandelier, bonne route et amusez vous bien.

Étonnant que ce parcours patient de Thomas Dutronc. Lui qui était né au cœur de l’univers de la « pipolisation », dans l’œil du cyclone de la médiatisation.  Il a su prendre son temps et travailler.  Il a su être prudent. Il est bien parti pour se faire un prénom, ce Thomas.

Voici un petit vidéo où nous le voyons à la naissance (à l’hopital) avec papa et maman qui parle de l’éducation à venir du jeune Thomas (vidéo)… cliquez sur cet hyperlien http://www.youtube.com/watch?v=dg6tQBpxllE

PS:       Pour ceux qui s’intéresse à cette question de la latinité, je vous invite à lire un texte d’Edgar Morin, « la Latinité ». Ce texte a été publié en Italie sous les bons soins de G. Gembillo et A. Anselmo dans un livre « La Latinità », où l’on trouve la traduction de ce même texte en six langues latines: français, italien, espagnol, portugais, roumain et latin… cliquez sur le lien suivant
 http://www.mcxapc.org/docs/conseilscient/latinite.pdf 

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