Québec: retrait d’Énergie Est, retour de la fracturation

Retrait de l’oléoduc Énergie Est

Trans-Canada a retiré son projet Énergie Est, un oléoduc de 4400 km qui aurait traversé le Canada d’Ouest en Est. Il aurait traversé tout le Québec habité.

C’est une excellente nouvelle. (Notons qu’il s’agit d’un retrait, pas nécessairement d’un abandon définitif.)

Saluons le monde municipal, soit les quelque 300 maires du Québec et les regroupements municipaux (UMQ, FMQ), ainsi que la société civile (Nature Québec, Alerte pétrole rive-sud, Équiterre, etc.) qui se sont levés pour dire NON à ce projet d’oléoduc qui aurait transporté plus d’un million de barils par jour d’un pétrole des sables bitumineux, destiné à l’exportation.

Comportant des risques écologiques importants, et sans intérêt économique pour le Québec, il était évident, pour la population du Québec que ce projet ne satisfaisait pas au critère d’acceptabilité sociale.

Dans ce contexte, il est gênant de constater que tant les gouvernements libéraux de Philippe Couillard à Québec, que celui de Justin Trudeau au fédéral n’aient pas écouté le message que leur lançait la population du Québec, d’autant plus que ces deux paliers de gouvernement clament sur toutes les tribunes qu’ils luttent contre les changements climatiques.

Le pétrole bitumineux canadien: un type de pétrole non-rentable

Les grandes pétrolières étrangères se sont retirées des futurs projets de pétrole bitumineux canadiens. Ils sont considérés peu ou pas rentabilisables, car trop coûteux en capital et trop polluants (ce qui diminue la valeur économique de ce type de pétrole sur le marché international).

Même les compagnies pétrolières canadiennes réduisent considérablement leurs projets, mais persistent, probablement parce qu’elles s’attendent à un soutien financier des gouvernements albertain et canadien en cas de difficultés financières.

Les banques hésitent à financer ces projets qui sont très lourds en capital et très longs à développer (une décennie voire davantage). Elles préfèrent des projets plus agiles (implantation courte, rentabilisation rapide). Particulièrement dans le contexte où le prix du pétrole international oscille aux alentours de 50 US $ le baril pour le WTI (mais bien moins pour le pétrole bitumineux canadien).

Bien entendu le prix international du pétrole connaîtra des poussées de fièvre momentanée, mais il y a des tendances lourdes qui assombrissent l’horizon de la demande de pétrole. Ne serait-ce que le sommet de Paris sur les changements climatiques, mais surtout, la croissance annoncée des véhicules électriques. Quant on sait l’importance du secteur transport dans la demande mondiale pour le pétrole, dans le meilleur des cas, cela devrait signifier un plafonnement de la demande au cours de la prochaine décennie. (voir Épilogue)

Enfin, avec l’approbation des oléoducs Keystone XL, qui exportera directement le pétrole albertain vers les États-Unis, et TransMountain, un oléoduc de 1000 km qui l’acheminera vers le port de Vancouver, l’Ouest canadien n’aura pas de pétrole supplémentaire à exporter en 2021 et les années subséquentes.

Il faut reconnaître que le projet de Trans-Mountain, quatre fois plus court et qui consiste en une augmentation de la capacité d’un oléoduc déjà existant était plus réaliste qu’Énergie Est.

TransCanada n’avait plus le choix, le 4400 kms d’Énergie Est aurait constitué un cauchemar économique.

« « En 2014, soit au moment où TransCanada a déposé sa demande à l’Office national de l’énergie (ONE), les producteurs pétroliers entrevoyaient une production quotidienne de 4,8 millions de barils, à l’horizon 2030. Aujourd’hui, on estime qu’elle atteindra 3,7 millions de barils. La différence, ce sont précisément les 1,1 million de barils que devait transporter chaque jour Énergie Est. » »

Vigilance nécessaire: la fracturation gazière, retour du cauchemar de 2010

Dans le cas d’Énergie Est, la vigilance du monde municipal et de la société civile a permis au bon sens de prévaloir.

Cette vigilance est à nouveau nécessaire face aux projets de règlements de la Loi sur les hydrocarbures déposé le 20 septembre par le gouvernement Couillard. Il propose d’autoriser les forages pétroliers et gaziers dans les lacs et rivières, et jusqu’à 150 mètres des maisons, y compris par fracturation hydraulique.

Encore une fois, il faut que municipalités et société civile oeuvrent à faire entendre raison au gouvernement Couillard et le fasse reculer sur ces projets de règlements afin de protéger notre eau potable.

(Rappelons que les droits d’exploration gazière et pétrolière ont été cédés pour seulement 15 cents l’hectare, voire moins, par le gouvernement libéral de Jean Charest, une aubaine scandaleuse. En résumé, les Québécois, n’y gagneront rien et ont beaucoup à perdre)

ÉPILOGUE : plafonnement de la demande de pétrole et Véhicules électriques 

En effet, la liste des pays qui vont interdire la vente de nouvelles autos à essence s’allonge et les délais imposés à l’industrie pour se reconvertir se raccourcissent.

Après la France et l’Angleterre qui ont annoncé qu’ils cesseraient la vente d’autos à essence en 2040, les Pays-Bas ont annoncé qu’ils cesseraient en 2030.

Mais par-dessus tout il y a la Chine qui veut aussi interdire, le plus rapidement possible la vente de ces véhicules. Étant au prise avec d’effroyables problèmes de qualité de l’air, elle souhaite que la vente annuelle de VÉ compte pour 8 à 10 % de toutes les ventes dès 2019. La Chine étant le lieu où la demande croît le plus rapidement, et le marché international le plus important, la pression est énorme sur les grands fabriqants pour arriver avec des produits satisfaisants.

 

(signalons qu’en février 2015, j’avais publié une longue analyse montrant que le projet Énergie Est n’était pas rentable et ne devait pas être mené à terme. 2 ans et demi plus tard, TransCanada s’est rendu à l’évidence inéluctable)

 

-le  texte du présent billet a fait l’objet d’une chronique plus courte publiée

dans l’hebdo Courrier du Sud le 18 octobre 2017  (Longueuil, Québec)