OBAMA et FAVREAU: le Discours d’inauguration du Président, raconter une histoire qui fait du sens

Obama et le « storytelling »:

        l’art de reconter une histoire

par Alain Lavallée

(le texte intégral en français du discours d’investiture du Président Obama est disponible à la fin de ce billet )

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Le nouveau Président élu des États-Unis, Barack Obama va prononcer le mardi 20 janvier son discours d’inauguration qui aura plusieurs objectifs. Il doit d’abord faire ce que tout bon leader doit faire, inspirer. Redonner confiance aux États-Uniens afin qu’ils puissent penser qu’il est possible (« Yes we can ») que les États-Unis puissent se relever des « busheries » et boucheries opérées par son prédécesseur en matière de politique étrangère, en matière économique, financière et industrielle. Tant sur le plan international, qu’intérieur, le statut des États-Unis est à son plus bas depuis des décennies. Jusqu’à maintenant, Obama a su ressusciter l’espoir, raviver les rêves.

Sa seule élection permet d’espérer que le fossé, le non-dit racial, cède de plus en plus la place à une égalité des chances, égalité qui deviendra peu à peu un acquis pour chaque États-Unien. Obama a fait du Président Abraham Lincoln une de ses sources d’inspiration.

Beaucoup de choses ont été écrites au sujet de l’éloquence de Barack Obama, mais au cœur de cette éloquence une approche toute simple.  Obama raconte une histoire, l’histoire de son peuple, et son histoire personnelle. Obama y cherche comment chaque États-Unien peut y puiser une source d’inspiration, des leçons de courage, d’audace, de solidarité, de confiance.

(C’est exactement ce qui a été refusé au 400e, il a été refusé au 400e la possibilité de puiser dans l’histoire de ce peuple et dans les histoires personnelles de ses pionniers des sources d’inspiration. Les autorités ont privilégié le festif, le festif… voir nos billets sur « la démission du ministre Couillard, (le 13 juillet) sur la « Grande Vague et les familles pionnières, le 6 octobre,  sur le « Legs de France », le 5 décembre, etc. ).

Raconter une histoire :    comment raconter une histoire qui fait du sens?

C’est ce qui distingue la politique à l’ère des cultures de l’imagerie (Internet, you tube, facebook,  etc.), et de la mondialisation dans laquelle nous sommes entrés au 21è siècle. Alors que tous et chacun de nous croulons sous les millions de stimuli et d’informations en tous genres, alors que tout s’emmêle et s’hybride, que chaque communauté et nation fait face à une complexité grandissante, comment s’adresser à des populations de plus en plus multiethniques ou tout au moins multiculturelles, multiinspirées pour qu’elles y trouvent des raisons communes de « vivre ensemble ».

La politique du 19e et 20e siècle, celle de l’ère des cultures alphabétisées a développé comme pratique de s’adresser à la raison. Chaque parti politique présentait un programme très élaboré, comprenant de multiples propositions en matière économique, en matière sociale, en matière écologique, en matière culturelle, en matière d’immigration, en matière de santé, en matière d’éducation, etc. et là, chaque « citoyen » était réputé prendre une décision rationnelle, éclairée afin de choisir celui qui offrait le meilleur programme (bien entendu la réalité était en grande partie autre, et relative à chaque électeur).

Bien entendu Obama a un programme, mais celui-ci est au second plan, voire dans l’ombre (que fera-t-il en matière d’environnement, en matière d’immigration, etc.? Bien malin celui qui a pu le décrypter au cours de la dernière campagne). Obama a raconté aux États-Uniens des histoires, la sienne et celle de leur nation. Les histoires qu’ils racontaient étaient porteuses de sens. Ses discours s’inspiraient de ceux des grands présidents états-uniens Jefferson, Lincoln, Kennedy. Ils s’inspiraient des grands défis auxquels ils ont déjà fait face, des grandes blessures, mais sans appuyer, en étant plus suggestifs que didactiques, plus inspirants que pontifiants.

C’est dans la rédaction de ses deux autobiographies qu’il a pu faire le point sur son histoire personnelle et y trouver ce qui l’a incité à se lancer dans l’aventure présidentielle. C’est dans l’histoire de  la nation états-unienne qu’il a cherché et trouvé les mots pour ressusciter l’espoir et rassembler, pour influencer, persuader et convaincre.

Mais avant d’aller plus loin, il faut dire que depuis quatre ans la plupart du temps, ce n’est pas Barack Obama qui met tout cela en mots. Bien sûr il écrit bien, il a le talent et le soufflle épique pour le faire (ses deux autobiographies en témoignent), mais comme a dit Robert Gibbs (directeur des communications de l’équipe Obama) à Jon Favreau, qui lui demandait pourquoi il voulait l’engager afin d’écrire les discours d’Obama… Les journées n’ont pas encore 48 heures. (« If there were 48 hours in a day, we wouldn’t need a speechwriter « ) Si vous aimez les discours d’Obama, il faudrait aussi féliciter Jon Favreau, car c’est lui le « nègre » derrière Obama. C’est lui qui écrit les discours d’Obama, c’est lui la « plume », ou plutôt le « clavier ».   Il a 27 ans et cela fait 4 ans déjà qu »il occupe ce job.

Jon Favreau : rédacteur des discours d’Obama

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Jonathan Favreau (né au Massachusetts le 6 juin 1981) avait été auparavant rédacteur de discours pour John Kerry, candidat démocrate lors de l’élection présidentielle de 2004. Disposant de peu de fonds, Kerry avait recruté dans son équipe ce jeune stagiaire alors âgé de 22 ans, tout juste émoulu du « College of the Holy Cross » de Worcester, Massachusetts. (Favreau y avait remporté le prix du meilleur discours de sa cohorte lors de sa diplomation en 2003 à titre de « Bachelier ès arts », profil de Science politique). Le « College Holy Cross » est une université catholique fondée par les Jésuites. C’est le plus ancien collège catholique du Massachusetts.

Les Favreau sont légion en Nouvelle-Angleterre, ses arrières grands parents ont quitté le Québec pour aller gagner leur vie dans les « moulins » de la Nouvelle-Angleterre au siècle dernier. Worcester est une ville où il y avait plusieurs moulins de textile et où l’immigration en provenance du Québec a été abondante. Étant donné ses origines, il n’est pas étonnant qu’il ait étudié dans un collège catholique. Tout le monde l’appelle « Fav » car les États-Uniens  sont incapables de dire ce nom de famille bien québécois (ou canadien français si vous préférez).

Après la défaite de John Kerry à l’élection présidentielle, Favreau s’est retrouvé sans emploi. Il avait gardé une impression un peu amère de la politique et de la rude lutte dans laquelle il avait été engagé contre l’équipe de G.W. Bush. Il n’avait pas l’intention de continuer dans cette voie jusqu’au coup de téléphone de Gibbs qui avait apprécié ses talents lors de la campagne de Kerry.

L’entrevue d’embauche s’est déroulée au Capitole de Washington, lors de la première journée d’Obama comme Sénateur de l’Illinois. Obama s’est peu intéressé à son CV, il lui a demandé « Qu’est-ce qui l’avait amené à s’intéresser à la politique? »

Favreau lui a alors parlé de sa participation bénévole à un projet à Worcester où il défendait les droits de bénéficiaires de l’aide sociale qui se voyaient retirés des listes par l’état du Massachusetts et incités à retourner au travail. Cela a plu à Obama, qui a lui même fait du travail communautaire à Chicago. Obama lui a par la suite demandé quelle était sa « théorie » pour concevoir de bons discours. Favreau lui a simplement répondu qu’il n’avait pas de théorie, mais que lorsqu’il l’avait entendu lors de la convention démocrate, il « racontait simplement une histoire à partir de sa vie et que cette histoire avait des résonances avec celle du peuple états-unien » (« you basically told a story about your life from beginning to end, and it was a story that fit with the larger American narrative »). « Les gens n’applaudissaient pas parce qu’ils avaient entendu une phrase destinée à susciter des applaudissements, mais parce qu’ils étaient touchés ».

Favreau reconnaît être inspiré par les discours de Robert Kennedy et ceux de Martin Luther King, discours qu’il connaît bien. Il s’est aussi approprié l’autobiographie d’Obama afin de bien saisir et connaître sa manière de penser et de s’exprimer. Lorsqu’il travaille à la préparation d’un discours, il rencontre Obama pendant une demi-heure. Il l’écoute et prend tout en notes, ils échangent puis il consacre une semaine à la préparation du discours, parfois deux, où il ne se couche pas avant 3 heures du matin, et est de nouveau sur pied à 5 heures. Il travaille et retravaille son texte, en envoie une copie courriel directement à Obama qui lui retourne ses commentaires et une version améliorée. (on constate qu’ils y mettent plus de soin que Stephen Harper et son rédacteur qui ont été pris à copier simplement de larges extraits de discours du premier ministre australien).

Favreau s’est adjoint deux rédacteurs. Au sein de cette nouvelle équipe qu’il dirige, il y a Adam Frankel, 27 ans qui a aidé Theodore C. Sorensen à préparer et rédiger ses Mémoires (Sorensen a été le rédacteur des discours de John F. Kennedy et un de ses conseillers), et Ben Rhodes, 30 ans, qui a travaillé en tant qu’assistant à la Commission qui a suivi les événements du 11 septembre et à la rédaction du rapport sur l’Irak.

En décembre, Jon Favreau a été nommé officiellement Directeur de la rédaction des discours de la Présidence. Aujourd’hui le 20 janvier, Obama devra prononcer son discours d’inauguration qui sera inspirant et rassembleur. Jon Favreau travaille depuis deux mois sur ce discours d’investiture, des projets de discours ont circulés par courriel entre lui et le Président élu, mais Obama a remanié le discours au cours des derniers jours.

De l’art de raconter des histoires au « storytelling »:

Dans notre monde où nous croulons sous une abondance d’information et en cette ère de culture de l’imagerie  (vidéos, jeux, Internet, you tube, facebook,  etc.), une nouvelle pratique de la séduction s’est développée dans le domaine de la publicité, afin d’accrocher, de faire vendre… un art de la narrativité qui vise à raconter une histoire afin de mobiliser les émotions du « public cible », au besoin de raconter une anecdote comme si elle avait valeur d’universalité afin de toucher, de séduire, de faire vendre.  Il va de soi que cette pratique s,est rapidement développée aux États-Unis et a envahi tous les champs sociaux et politiques. Sur cette question je vous invite à lire soit l’article du Monde Diplomatique que j’ai placé en hyperlien, ou encore un livre du même auteur:

http://www.monde-diplomatique.fr/2006/11/SALMON/14124

C » Salmon, A. Orliange, « Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits« , Paris, éd. La Découverte, 2007.

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Pour les intéressés le discours d’investiture du 20 janvier du Président Obama est ci-dessous:

les autres discours importants d’Obama sont en ligne ( discours d’élection du 4 novembre à Chicago, son discours sur la race à Philadelphie en mars, etc. )      http://www.obamaspeeches.com

Quant aux informations sur son rédacteur Jon Favreau elles proviennent principalement du site internet

http://www.peekyou.com/Jon_Favreau/162674721

qui rassemble ce qui se publie au sujet de Jon Favreau

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Voici le texte intégral du discours d’investiture du président Barack Obama (20 janvier 2009) traduit par l’Agence France Presse.

Chers compatriotes,

Je suis ici devant vous aujourd’hui empli d’un sentiment d’humilité face à la tâche qui nous attend, reconnaissant pour la confiance que vous m’avez témoignée et conscient des sacrifices consentis par nos ancêtres.

Je remercie le président Bush pour ses services rendus à la nation ainsi que pour la générosité et la coopération dont il a fait preuve tout au long de cette passation de pouvoirs.

Quarante-quatre Américains ont maintenant prêté le serment présidentiel. Ils l’ont fait alors que gonflait la houle de la prospérité sur les eaux calmes de la paix. Mais il arrive de temps à autre que ce serment soit prononcé alors que s’accumulent les nuages et que gronde la tempête.

Dans ces moments, l’Amérique a gardé le cap, non seulement en raison de l’habileté ou de la vision de ses dirigeants, mais aussi parce que Nous le Peuple, sommes demeurés fidèles aux idéaux de nos ancêtres et à notre constitution.

Ainsi en a-t-il toujours été. Ainsi doit-il en être pour la présente génération d’Américains.

Nul n’ignore que nous sommes au beau milieu d’une crise. Notre nation est en guerre contre un vaste réseau de violence et de haine. Notre économie est gravement affaiblie, conséquence de la cupidité et de l’irresponsabilité de certains, mais aussi de notre échec collectif à faire des choix difficiles et à préparer la nation à une nouvelle ère. Des gens ont perdu leur maison ou leur emploi, des entreprises ont dû fermer leurs portes. Notre système de santé coûte trop cher. Nos écoles laissent tomber trop d’enfants et chaque jour apporte de nouvelles preuves que la façon dont nous utilisons l’énergie renforce nos adversaires et menace notre planète.

Ce sont les signes de la crise en termes statistiques. Mais, si elle n’est pas aussi tangible, la perte de confiance dans tout le pays n’en est pas moins profonde, nourrie de la crainte tenace que le déclin de l’Amérique soit inévitable et que la prochaine génération doive diminuer ses ambitions.

Je vous dis aujourd’hui que les défis auxquels nous faisons face sont réels. Ils sont importants et nombreux. Nous ne pourrons les relever facilement ni rapidement. Mais, sache le, Amérique, nous le relèverons.

En ce jour, nous sommes réunis car nous avons préféré l’espoir à la peur, la volonté d’agir en commun au conflit et à la discorde.

En ce jour nous proclamons la fin des doléances mesquines et des fausses promesses, des récriminations et des dogmes éculés qui ont pendant trop longtemps étouffé notre vie politique.

Nous demeurons une jeune nation. Mais pour reprendre les mots de la Bible, le temps est venu de se défaire des enfantillages. Le temps est venu de réaffirmer la force de notre caractère, de choisir la meilleure part de notre histoire, de porter ce précieux don, cette noble idée transmise de génération en génération: la promesse de Dieu que nous sommes tous égaux, tous libres et que nous méritons tous la chance de prétendre à une pleine mesure de bonheur.

Nous réaffirmons la grandeur de notre nation en sachant que la grandeur n’est jamais donnée mais se mérite. Dans notre périple nous n’avons jamais emprunté de raccourcis et ne nous sommes jamais contentés de peu. Cela n’a jamais été un parcours pour les craintifs, ceux qui préfèrent les loisirs au travail ou ne recherchent que la richesse ou la célébrité.

Au contraire, ce sont plutôt ceux qui ont pris des risques, qui ont agi et réalisé des choses – certains connus, mais le plus souvent des hommes et des femmes anonymes – qui nous ont permis de gravir le long et rude chemin vers la prospérité et la liberté.

Pour nous, ils ont rassemblé leurs maigres possessions et traversé des océans en quête d’une vie nouvelle.

Pour nous, ils ont trimé dans des ateliers de misère et colonisé l’Ouest. Ils ont connu la morsure du fouet et la dureté du labeur de la terre.

Pour nous, ils se sont battus et sont morts dans des lieux comme Concord et Gettysburg, en Normandie ou à Khe-Sanh (Vietnam, ndlr).

À maintes reprises ces hommes et ces femmes se sont battus, se sont sacrifiés, ont travaillé à s’en user les mains afin que nous puissions mener une vie meilleure. Ils voyaient en l’Amérique quelque chose de plus grand que la somme de leurs ambitions personnelles, que toutes les différences dues à la naissance, la richesse ou l’appartenance à une faction.

C’est la voie que nous poursuivons aujourd’hui. Nous demeurons la nation la plus prospère, la plus puissante de la Terre. Nos travailleurs ne sont pas moins productifs qu’au début de la crise. Nos esprits ne sont pas moins inventifs, nos biens et services pas moins demandés que la semaine dernière, le mois dernier ou l’an dernier. Nos capacités demeurent intactes. Mais il est bien fini le temps de l’immobilisme, de la protection d’intérêts étroits et du report des décisions désagréables.

À partir d’aujourd’hui, nous devons nous relever, nous épousseter et reprendre la tâche de la refondation de l’Amérique.

Où que nous regardions, il y a du travail. L’état de l’économie réclame des gestes audacieux et rapides. Et nous agirons – non seulement pour créer de nouveaux emplois mais pour jeter les fondations d’une nouvelle croissance. Nous allons construire les routes et les ponts, les réseaux électriques et numériques qui alimentent notre commerce et nous unissent.

Nous redonnerons à la science la place qu’elle mérite et utiliserons les merveilles de la technologie pour accroître la qualité des soins de santé et diminuer leur coût.

Nous dompterons le soleil, le vent et le sol pour faire avancer nos automobiles et tourner nos usines. Nous transformerons nos écoles et nos universités pour répondre aux exigences d’une ère nouvelle. Nous pouvons faire tout cela et nous le ferons.

Cela dit, il y a des gens pour s’interroger sur l’ampleur de nos ambitions, et suggérer que notre système n’est pas capable de faire face à trop de grands projets à la fois. Ils ont la mémoire courte. Ils ont oublié ce que ce pays a déjà accompli, ce que des hommes et des femmes libres peuvent réaliser quand l’imagination sert un objectif commun et que le courage s’allie à la nécessité.

Ce que les cyniques ne peuvent pas comprendre, c’est que le sol s’est dérobé sous leurs pieds et que les arguments politiques rancis auxquels nous avons eu droit depuis si longtemps, ne valent plus rien. La question aujourd’hui n’est pas de savoir si notre gouvernement est trop gros ou trop petit, mais s’il fonctionne – s’il aide les familles à trouver des emplois avec un salaire décent, à accéder à des soins qu’ils peuvent se permettre et à une retraite digne. Là où la réponse à cette question est oui, nous continuerons. Là où la réponse est non, nous mettrons un terme à des programmes.

Et ceux d’entre nous qui gèrent les deniers publics seront tenus de dépenser avec sagesse, de changer les mauvaises habitudes, de gérer en pleine lumière – c’est seulement ainsi que nous pourrons restaurer l’indispensable confiance entre un peuple et son gouvernement.

La question n’est pas non plus de savoir si le marché est une force du bien ou du mal. Sa capacité à générer de la richesse et à étendre la liberté est sans égale. Mais cette crise nous a rappelé que sans surveillance, le marché peut devenir incontrôlable, et qu’une nation ne peut prospérer longtemps si elle ne favorise que les plus nantis. Le succès de notre économie n’est pas uniquement fonction de la taille de notre produit intérieur brut. Il dépend aussi de l’étendue de notre prospérité, de notre capacité à donner une chance à ceux qui le veulent – non par charité mais parce que c’est la meilleure voie vers le bien commun.

En ce qui concerne notre défense à tous, nous rejettons l’idée qu’il faille faire un choix entre notre sécurité et nos idéaux. Nos Pères fondateurs, face à des périls que nous ne pouvons que difficilement imaginer, ont mis au point une charte pour assurer la prééminence de la loi et les droits de l’Homme, une charte prolongée par le sang de générations. Ces idéaux éclairent toujours le monde, et nous ne les abandonnerons pas par commodité.

À tous les peuples et les gouvernants qui nous regardent aujourd’hui, depuis les plus grandes capitales jusqu’au petit village où mon père est né (au Kenya, ndlr): sachez que l’Amérique est l’amie de chaque pays et de chaque homme, femme et enfant qui recherche un avenir de paix et de dignité, et que nous sommes prêts à nouveau à jouer notre rôle dirigeant.

Rappelez-vous que les précédentes générations ont fait face au fascisme et au communisme pas seulement avec des missiles et des chars, mais avec des alliances solides et des convictions durables. Elles ont compris que notre puissance ne suffit pas à elle seule à nous protéger et qu’elle ne nous permet pas d’agir à notre guise. Au lieu de cela, elles ont compris que notre puissance croît lorsqu’on en use prudemment; que notre sécurité découle de la justesse de notre cause, la force de notre exemple et des qualités modératrices de l’humilité et de la retenue.

Nous sommes les gardiens de cet héritage. Une fois de plus guidés par ces principes, nous pouvons répondre à ces nouvelles menaces qui demandent un effort encore plus grand, une coopération et une compréhension plus grande entre les pays.

Nous allons commencer à laisser l’Irak à son peuple de façon responsable et forger une paix durement gagnée en Afghanistan. Avec de vieux amis et d’anciens ennemis, nous allons travailler inlassablement pour réduire la menace nucléaire et faire reculer le spectre du réchauffement de la planète.

Nous n’allons pas nous excuser pour notre façon de vivre, ni hésiter à la défendre, et pour ceux qui veulent faire avancer leurs objectifs en créant la terreur et en massacrant des innocents, nous vous disons maintenant que notre résolution est plus forte et ne peut pas être brisée; vous ne pouvez pas nous survivre et nous vous vaincrons.

Nous savons que notre héritage multiple est une force, pas une faiblesse. Nous sommes un pays de chrétiens et de musulmans, de juifs et d’hindous, et d’athées. Nous avons été formés par chaque langue et civilisation, venues de tous les coins de la Terre. Et parce que nous avons goûté à l’amertume d’une guerre de Sécession et de la ségrégation (raciale), et émergé de ce chapitre plus forts et plus unis, nous ne pouvons pas nous empêcher de croire que les vieilles haines vont un jour disparaître, que les frontières tribales vont se dissoudre, que pendant que le monde devient plus petit, notre humanité commune doit se révéler, et que les États-Unis doivent jouer leur rôle en donnant l’élan d’une nouvelle ère de paix.

Au monde musulman: nous voulons trouver une nouvelle approche, fondée sur l’intérêt et le respect mutuels. À ceux parmi les dirigeants du monde qui cherchent à semer la guerre, ou faire reposer la faute des maux de leur société sur l’Occident, sachez que vos peuples vous jugeront sur ce que vous pouvez construire, pas détruire.

À ceux qui s’accrochent au pouvoir par la corruption et la fraude, et en bâillonant les opinions dissidentes, sachez que vous êtes du mauvais côté de l’histoire, mais que nous vous tendrons la main si vous êtes prêts à desserrer votre étau.

Aux habitants des pays pauvres, nous promettons de travailler à vos côtés pour faire en sorte que vos fermes prospèrent et que l’eau potable coule, de nourrir les corps affamés et les esprits voraces.

Et à ces pays qui comme le nôtre bénéficient d’une relative abondance, nous disons que nous ne pouvons plus nous permettre d’être indifférents aux souffrances à l’extérieur de nos frontières, ni consommer les ressources planétaires sans nous soucier des conséquences. En effet, le monde a changé et nous devons évoluer avec lui.

Lorsque nous regardons le chemin à parcourir, nous nous rappelons avec une humble gratitude ces braves Américains qui, à cette heure précise, patrouillent dans des déserts reculés et des montagnes éloignées. Ils ont quelque chose à nous dire aujourd’hui, tout comme les héros qui reposent (au cimetière national) à Arlington nous murmurent à travers les âges.

Nous les honorons non seulement parce qu’ils sont les gardiens de notre liberté, mais parce qu’ils incarnent l’esprit de service, une disponibilité à trouver une signification dans quelque chose qui est plus grand qu’eux. Et à ce moment, ce moment qui définira une génération, c’est précisément leur esprit qui doit tous nous habiter.

Quoi qu’un gouvernement puisse et doive faire, c’est en définitive de la foi et la détermination des Américains que ce pays dépend. C’est la bonté d’accueillir un inconnu lorsque cèdent les digues, le désintéressement d’ouvriers qui préfèrent travailler moins que de voir un ami perdre son emploi, qui nous permet de traverser nos heures les plus sombres.

C’est le courage d’un pompier prêt à remonter une cage d’escalier enfumée, mais aussi la disponibilité d’un parent à nourrir un enfant, qui décide en définitive de notre destin.

Les défis face à nous sont peut-être nouveaux. Les outils avec lesquels nous les affrontons sont peut-être nouveaux. Mais les valeurs dont notre succès dépend, le travail, l’honnêteté, le courage et le respect des règles, la tolérance et la curiosité, la loyauté et le patriotisme, sont anciennes. Elles sont vraies. Elles ont été la force tranquille du progrès qui a sous-tendu notre histoire. Ce qui est requis, c’est un retour à ces vérités. Ce qui nous est demandé maintenant, c’est une nouvelle ère de responsabilité, une reconnaissance, de la part de chaque Américain, que nous avons des devoirs envers notre pays et le monde, des devoirs que nous n’acceptons pas à contrecoeur mais saisissons avec joie, avec la certitude qu’il n’y a rien de plus satisfaisant pour l’esprit et qui définisse notre caractère, que de nous donner tout entier à une tâche difficile.

C’est le prix, et la promesse, de la citoyenneté.

C’est la source de notre confiance, savoir que Dieu nous appelle pour forger un destin incertain.

C’est la signification de notre liberté et de notre credo, c’est la raison pour laquelle des hommes, des femmes et des enfants de toutes les races et de toutes les croyances peuvent se réjouir ensemble sur cette magnifique esplanade, et pour laquelle un homme dont le père, il y a moins de 60 ans, n’aurait peut-être pas pu être servi dans un restaurant de quartier, peut maintenant se tenir devant vous pour prêter le serment le plus sacré.

Donc marquons ce jour du souvenir, de ce que nous sommes et de la distance que nous avons parcourue. Aux temps de la naissance des États-Unis, dans les mois les plus froids, un petit groupe de patriotes s’est blotti autour de feux de camp mourants, au bord d’une rivière glacée. La capitale fut abandonnée. L’ennemi progressait. La neige était tachée de sang. Au moment où l’issue de notre révolution était la plus incertaine, le père de notre nation (George Washington, nldr) a donné l’ordre que ces mots soient lus:

«Qu’il soit dit au monde du futur, qu’au milieu de l’hiver, quand seul l’espoir et la vertu pouvaient survivre, que la ville et le pays, face à un danger commun, (y) ont répondu».

O États-Unis. Face à nos dangers communs, dans cet hiver de difficultés, rappelons-nous ces mots éternels. Avec espoir et courage, bravons une fois de plus les courants glacés, et supportons les tempêtes qui peuvent arriver. Qu’il soit dit aux enfants de nos enfants que lorsque nous avons été mis à l’épreuve, nous avons refusé de voir ce parcours s’arrêter, nous n’avons pas tourné le dos ni faibli. Et avec les yeux fixés sur l’horizon et la grâce de Dieu, nous avons continué à porter ce formidable cadeau de la liberté et l’avons donné aux générations futures.»